dimanche, avril 27, 2008

Corée du Nord - Chapitre I. La découverte ou l'ignorance


Carnet de voyage

République populaire démocratique de Corée

(Corée du Nord)
Coréenne vendant des tickets d'entrée pour l'arc de triomphe de Pyongyang 11 au 22 avril 2008


Vendredi 11 et Samedi 12 avril
Aujourd’hui, c’est le départ. On va pendre l’avion pour la Corée du Nord. L’aboutissement d’une réflexion lancée lors d’un brunch avec des amis il y a sept mois. « Amanath, j’ai lu un carnet de voyage sur la Corée du Nord et vu des reportages. Ca à l’ai complètement taré ! Ca te dirait d’y aller ? – Ouai ».

J’en avais déjà un peu parlé autour de moi auparavant. Pour une fois, j’avais trouvé quelqu’un qui voulait bien s’y aventurer. Mieux, il s’était déjà renseigné et connaissait quelqu’un qui pouvait nous organiser ça. On s’est revus quelques fois, on a parlé. On a craint pour le prix que ça nous couterait. On a posé nos vacances six mois à l’avance, on a craint pour nos vacances (nous n’exerçons pas des métiers qui nous permettent de les prendre quand on veut). On a attendu que le tour operator envoie la documentation et les bulletins d’inscription du voyage. On a craint qu’une impossibilité survienne vue l’élection d’une président sud-coréen peu favorable à une politique entreprenante d’ouverture vers le Nord. Au dernier moment, tout s’est débloqué. On envoyé tous les papiers.

Le week-end précédent le voyage, on regarde un reportage de National Geographic C’est Etienne, un pote d’école, qui nous l’a apporté. Il s’est inscrit avec Damien au même voyage que nous. Propagande, béton, famine, cynisme, communisme, le programme est alléchant. Ca nous changera de la Thaïlande visitée en backpacker, de ses buckets de Redbull coca, de la full moon, des Bouddhas, des éléphants et de tous les touristes que tu croises et qui te parlent que de Patpong. C’était marrant, mais il est temps d’essayer quelque chose de nouveau, quelque chose de plus difficile, quelque chose où l’on puisse apprendre beaucoup.

La date du départ arrive, et nous nous retrouvons avec Amanath pour aller à l’aéroport. Rendez-vous au point d’enregistrement d’Air China. On commence à scruter les horizons. On voit un groupe de gens un peu âgé. On rigole en pensant que ça pourrait être notre groupe. On retrouve Etienne et Damien. Et puis un grand type blond habillé tout en noir arrive : Guillaume. Il sera notre chef pour tout le voyage. Les vieux qu’on voyait tout à l’heure se rapprochent de nous. Ils seront du voyage. Pourvu qu’ils tiennent le choc.

A Charles de Gaulle, moment de flottement, notre chef discute avec les gens du guichet. Il semble qu’il y ait un problème. Rien de grave, c’est juste que l’hôtesse ne savait pas qu’on pouvait aller jusqu’à Pyongyang et qu’elle ne pensait pas pouvoir enregistrer les bagages jusque-là. On prend l’avion. On arrive à Pekin. On reprend nos bagages, on change de terminal et on va au guichet d’Air Koryo et on pose nos bagages. Là, on donne des billets d’avions, papiers écrits à la main avec feuillets carbone à détacher.




On monte dans l’avion. Air Koryo est la compagnie aérienne nationale nord-coréenne. Blacklistée sur la liste des compagnies européenne, sa flotte se compose d’Antonov, de Tupolev et d’Ilyushins. Pour notre part, nous volons sur cette troisième catégorie d’avion : un Ylyushin IL-62-M. Ce type d’avion peut contenir jusqu’à 195 personne. Il a une réputation d’avion porte-malheur du fait de tous les crashs qu’il a à son actif. On pénètre dans l’appareil. Il paraît que ça sent le communisme. Pour ceux qui ne savent pas ce que sent le communisme ou qui ont un très mauvais odorat et qui n’ont rien senti comme moi, le communisme, ça sent un peu comme le chou. Je prends une édition du Pyongyang time qui traine sur une table roulante en métal. On place les bagages à main au dessus de nos têtes. Les rangements sont minuscules, on ne peut pas y mettre un bagage cabine taille normale. Ensuite, on rabat les sièges de devant sa rangée pour pouvoir accéder jusqu’au sien. Il n’y a pas grand place. Notre Ilyushin IL-62-M à été revendu par Aeroflot à Air Koryo, on peut voir d’ailleurs des sigles de l’ancien propriétaire sur les tables roulantes.




Je suis assis à l’arrière de l’avion, pas loin du réacteur. Au décollage, celui-ci monte dans les aigus de façon insoutenable, le bruit reste durant un bon moment du vol et revient pour l’atterrissage. Difficilement soutenable. A bord, on nous propose de la bière, du cidre ou de l’eau. La bière était plutôt bonne. Le cidre, assez sucré rappelait un peu le goût du Dr Pepper. Tout le monde n’aime pas. Je jette un œil au Pyongyang Times. Un peu de propagande. Des dignitaires ont visité la république Démocratique du Cogo, un extrait d’un article qui parle de Lee Myung Bak (président de la Corée du Sud), des dignitaires qui visitent l’Uganda, et puis j’ai la flemme de lire. Deux heures et demi de vol et on atterrit à Pyongyang. Le paysage était plutôt sympa à regarder d’en haut. L’avion descend. Je regarde sur le coté, je ne vois que des rizières. Ca descend encore, toujours que des rizières dans le hublot. On n’est plus qu’à une poignée de mètres du sol et je ne vois toujours que des rizières dans le hublot ! C’est sur, il va se poser dans un champ. On touche le sol, et apparaît dans mon hublot un coin de macadam. J’ai bien cru qu’on n’aurait pas droit à une piste pour se poser. Descente de l’avion. Un petit bâtiment surmonté d’un portrait de Kim Il Song se dresse devant nous.


Il n’y a pas grand trafic ici. Quelques vieux avions garés à côté de l’aéroport permettent de nous donner une idée de la modernité de la flotte D’air Koryo. On rentre dans l’immeuble. Derniers conseils pour le passage de la douane. Les téléphones portables doivent être démontés pour éviter d’être détectés aux rayons X, pas de problème pour les appareils photos. Au pire, si on se fait confisquer quelque chose, on nous le rendra en repartant. En l’occurrence, ce fut le cas, sauf pour Damien à qui on a confisqué le FHM qu’il avait tenté d’introduire subversivement dans le pays. En trouvant ça, le douanier e un peu tiré la tronche. Il a appelé son chef, qui a appelé nos futurs guides. La pornographie est interdite dans le pays. Ca inclut aussi les photos de filles en maillot de bains. C’est même punissable de prison. Ca aurait fait une entrée un peu ratée sur le territoire si Damien avait du y aller à peine le pied au sol. Le douanier commence aussi à se poser des questions en voyant la couverture du magazine Vogue Hommes qu’Etienne à ramené (avec un mec courtement vêtu de latex noir). En attendant, on rigole en voyant le tableau des arrivées à l’aéroport de Pyongyang. Deux vols de programmés. Aucun pour le départ.





Après quelques galères d’Amanath pour convaincre une douanière de l’aéroport qu’il n’est pas en train de prendre la bagage de quelqu’un d’autre malgré l’absence de possession du ticket de bagage correspondant, on sort pour aller vers le bus. On nous présente nos guides. Monsieur Ho, un francophone et Madame Chen, une hispanophone. Hein ? Pourquoi ? Damien vivant en Espagne, ils ont pensé qu’il faudrait peut être quelqu’un pour parler Espagnol avec lui. Pas de bol pour le reste du groupe. Il n’y a que parmi les moins de quarante ans qu’on trouve des gens qui comprennent cette langue. Quatre personnes au total. On monte dans le bus qui nous amène vers Pyongyang, à vingt-cinq minutes d’ici. Nous allons voir la ville pour la première fois. Tout le monde est sur les dents. On dégaine nos appareils photos. Les flashs et les bruits de mises au point s’enchainent. Le cliquetis de l’appareil photo d’un type nommé Eric se distingue du reste. C’est lui qui tient l’arme lourde de la photographie dans ses mains. C’est un moment unique dans un tel voyage. On découvre le paysage, que l’on n’avait vu que par l’intermédiaire de rares reportages. On prend en photo tout ce que l’on voit avec l’impression de tenir le scoop dans son objectif. L’an dernier, seulement 2000 personnes étaient entrées dans le pays, dont 50 Français. A ce moment même, nous touchons du doigt la raison même pour laquelle nous étions venus, devenir les témoins rares d’une situation qui pourrait basculer dès demain.



On fait une pause de quelques minutes pour regarder des jeunes gens s’entrainer pour les mouvements de masse qui auront lieu en septembre prochain. Des milliers de collégiens réunis sur la place Kim Il Sung répètent la chorégraphie au rythme des ordres lancés par une camionnette de sonorisation.





Nous arrivons à l’hôtel Yangkakdo. Nos chambres sont au 31ème étage. Cela nos donne un belle vue sur l’île dans laquelle nous sommes parqués, sur le fleuve et sur la tour des idées du Juché.

Hall de l'hôtel
Vue de l'hôtel sur l'île qui nous abrite
Quelques minutes pour installer nos affaires et nous montons au restaurant tournant pour le dîner. Manque de chance, la nuit tombe vite et la vue devient sans intérêt du fait du manque de lumières. Là, on discute, on fait connaissance. Tout le monde parle de ses derniers voyages. Certaines échangent leur vues sur la Vanuatu et la Papouasie. D’autres racontent leurs périples en Irak (2002) et en Afghanistan (2005). Certains font des projections sur le déroulement du voyage en faisant référence à la Chine communiste et le bloc de l’Est qu’ils avaient visités en leur temps. Ces gens ont beau être vieux (plus de 40 ans), je ne peux m’empêcher d’être admiratif de tous les pays qu’ils ont parcourus. Nos camarades de route sont des gens assez ouverts et cultivés. Ils ont déjà voyagé dans une bonne partie du monde, et sont, comme nous, à la recherche de nouveaux espaces. La dîner passe, et personne n’a parlé à notre guide hispanophone. Celle-ci semble s’ennuyer un peu et ça se comprend. On fera des efforts une autre fois. Pour l’instant, il est l’heure d’aller se coucher, il est déjà 21h30. Avec Amanath, nous effectuons une petite visite de l’hôtel avant de nous affaler dans nos lits.

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1 Comments:

At 23:11, Anonymous Anonyme said...

Eh bien j'ai hâte de lire la suite.

Le coup de la compagnie aérienne blacklistée m'a fait rire ; ça m'aurait sans doute fichu les jetons si tu l'avais dit avant le voyage.

Rédouane m'a justement demandé aujourd'hui si tu avais toujours ton blog.

 

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